Accord de sécurisation de l'emploi : l'accord le plus réactionnaire depuis trente ans !

Publié le par Parti de Gauche 94 Nord

http://www.barbararomagnan.eu/wp-content/uploads/2011/10/gfiloche.jpgSur son blog, Gérard Filoche, membre du BN du Parti socialiste et inspecteur du travail

détaille les mesures de l'accord pour la sécurisation de l'emploi signé vendredi au siège du Medef


Rappelons d'entrée de jeu que sur 8 syndicats en France (CGT, CFTD, FO, FSU, UNSA, SOLIDAIRES, CGC, CFTC), seulement 5, CGT, CFDT, FO, CGC, CFTC ont été associés par le Medef aux négociations.
Rappelons également que les directions de la CFDT, CGC, CFTC sont totalement minoritaires sur ce coup (combien représentent-elles ? autour de 25 % des salariés ?). L’encensement de ces « accords de Wagram » (il s’est tenu au siège du patronat) par les médias ne durera pas. Le temps de les lire et on est effaré.
Rappelons encore qu'en France, chaque fois que les licenciements ont été facilités, le chômage a augmenté. Partout où la flexibilité a augmenté, le chômage a progressé y compris dans les pays scandinaves pris à tort comme « modèle » : la mise en place de la prétendue « flexisécurité » a permis de passer d’un taux de chômage de 3 à 7,8 % au Danemark, 7,9 % en Finlande, 8,1 % en Suède soit une augmentation moyenne de 3 à 8 % (+ 266 %).

1°) Les contrats « courts »
Premier rappel, 1.700 000 salariés sont en contrat temporaire, dont 1.200 000 en contrat à durée déterminée (CDD) et 500.000 en intérim selon l’enquête Emploi en continu de l’Insee.
Deuxième rappel, aux termes de la loi, le CDD est un contrat d’exception qui ne peut être utilisé pour pallier un emploi permanent au sein d’une entreprise. Le salarié embaucher sous cette forme perçoit 10 % de prime de précarité, sauf les CDD d’usage. Un CDD doit être écrit et motivé sinon il est réputé CDI. L’enchainement de CDD est une infraction et un tiers de la durée d’un premier CCD doit séparer la fin de celui ci du celui-ci du début du second CDD = délai de carence).
Enfin, troisième rappel, les CDD de moins d’un mois, dans le passé, étaient interdits.
Aux termes de l'article 4 de l'accord, il y aura dorénavant une "sur cotisation" appliquée aux contrats courts, de 7 % pour les CDD de moins d'un mois, 5,5 % pour les contrats compris entre 1 et 3 mois, et 4,5 % pour les contrats d’une durée inférieure à 3 mois pour les CDD dits «d’usage»
Cette taxe ne concernera que les catégories de CDD ayant pour motif un "surcroit exceptionnel de travail", les plus courtes et les plus fréquentes. Elles ne concerneront pas celles ayant trait au "remplacement de salariés absents", les plus longues, ni les "contrats dits d’usage" qui sont sans limites et sans primes de précarité (sur ces derniers la sur cotisation ne passera que de 4 à 4,5 %).
Le surcoût d’un contrat d’intérim étant de 15 % donc désormais inférieur aux CDD courts, et les CDD de plus de trois mois n'étant pas concernés, ni les contrats saisonniers, ni les «contrats conclus pour une tâche précise et temporaire», cela ne fera donc pas un seul CDD de moins. On est loin des quotas de CDD prévus dans le programme "L'humain d'abord" !
C’est en revanche une victoire du patronat de l’intérim qui protestait depuis longtemps sur le fait que l’intérim était plus couteux que les CDD.
En "échange", si l’on ose dire, de cette surtaxe, l’embauche de jeunes de moins de 26 ans en CDI sera exonérée de cotisations sociales pendant trois mois, ce qui rapportera 155 millions directement aux patrons.
La différence globale est donc de 45 millions entre cette prétendue taxation censée décourager les contrats courts et les exonérations accordées : ces 45 millions sont à l’avantage du patronat.

2°) La « complémentaire santé pour tous », un jackpot pour les assurances.
Précisée à l'article 1er de l'accord, il ne s’agit pas de soins universels mais d’un «socle de soins». Pour le remboursement des soins, actes techniques et pharmacie en ville et à l’hôpital, le forfait hospitalier sera remboursé non à 100 %, mais à 100 % de la base Sécu ! Pour le remboursement des prothèses dentaires, l'accord prévoit 125 % de remboursement prévu de la base sécu, c'est-à-dire 25 % de plus alors que ce tarif sécu est déjà dérisoire !
Ce système sera au surplus coûteux pour le salarié qui en paiera 50 %.
Ensuite, il est nécessaire de rappeler qu'il ne s’agit pas d’abonder la Sécu mais bel et bien les assurances privées.
Enfin, ce sera l’employeur qui décidera du choix de l’assureur.
Ce système est un mirifique cadeau pour Axa, Médéric-Malakoff et autres grandes compagnies. Elles vont se disposer avec le patronat pour récolter ce que la Sécu ne récoltera pas.
 « L’argus de l’assurance » se réjouit, et il y a de quoi.

3°) Les temps partiels.
Portés de 20 h à 24 h minima par l'article 11 de l'accord, les contrats à temps partiels seront en contre partie lissés à l’année au bon gré de l’employeur ! En effet, au terme de l'accord, «Sauf cas particulier et avec un lissage sur l’année, un contrat à temps partiel devra prévoir une durée d’au moins 24 heures par semaine». Les moins de 26 ans, les salariés des particuliers employeurs, ou «les salariés qui en feront la demande par écrit » pourront travailler moins.
Pour en faciliter le recours, il est prévu une simplification de l’accès au chômage partiel.
4°) Le « droit de recharge » de l’assurance chômage : de l'esbroufe !
Ce "droits rechargeables" signifie qu'un chômeur qui reprend un emploi ne perd pas ses droits, et peut les faire valoir en cas de retour au chômage.
Cette éventuelle mesure annoncée à tort par les médias sera inscrite… dans la future renégociation en 2013 de la convention Unedic. !
5°) Présence de représentants de salariés dans les conseils d’administration
Au terme de l'article 13 de l'accord, un à deux salarié obtiendraient une voix délibérative dans les organes de décision des grands groupes (5.000 salariés en France ou 10.000 dans le monde), c'est-à-dire dans … 200 entreprises seulement !

6°) Accords dits de « maintien de l’emploi » ou de « compétitivité »
Au terme de l'article 18 de l'accord, "Afin de maintenir l’emploi, en cas de graves difficultés conjoncturelles rencontrées par une entreprise, il convient de se doter, à côté de dispositifs existants tels que le chômage partiel, de la possibilité de conclure des accords d’entreprise permettant de trouver un nouvel équilibre, pour une durée limitée dans le temps, dans l’arbitrage global temps de travail / salaire / emploi, au bénéfice de l’emploi." Ces accords ne peuvent être conclus pour une durée supérieure à deux ans.
En cas de refus du salarié des mesures prévues par l’accord, la rupture de son contrat de travail qui en résulte s’analyse en un licenciement économique dont la cause réelle et sérieuse est attestée par l’accord précité.
L’entreprise est exonérée de l’ensemble des obligations légales et conventionnelles qui auraient résulté d’un licenciement collectif pour motif économique.
C'est une façon inacceptable de faire plier l’échine aux salariés en prévoyant que lorsque l’entreprise est mise en difficulté, ils sont contraints de renoncer à leurs contrats de travail !
C’est pire que la loi Fillon du 4 mai 2004 !

7°) Création d’un « CDI intermittent »
Le négociateur de la CFDT l'avait pourtant dit : « Nous sommes formellement opposés à la création de CDI de projet et de CDI intermittents. Nous savons bien que ces contrats deviendraient la norme, et signeraient donc une nouvelle précarisation des salariés. » Yannick Pierron (Nouvel Observateur, 9 janvier)
L'article 22 de l’accord prévoit «Une expérimentation d’alternance entre périodes travaillées et chômées serait lancée dans trois secteurs pour les entreprises de mois de 50 salariés».

8°) Mobilité
L'article 15 de l'accord dispose que "La mobilité interne s’entend de la mise en œuvre des mesures collectives d’organisation courantes dans l’entreprise, ne comportant pas de réduction d’effectifs et se traduisant notamment par des changements de poste ou de lieux de travail au sein de la même entreprise."
Une entreprise pourra imposer au salarié une clause de mobilité, sans avoir besoin  de justifier d'une quelconque difficulté économique. Le refus par un salarié d’une telle clause n’entraînera pas son licenciement pour motif économique, mais pour motif personnel. Les entreprises auront ainsi la possibilité de restructurer sans plan social en imposant aux salariés la « mobilité ». Comme le dit sui bien Gérard Filoche sur son blog : "Là, on est dans un autre univers. Ca franchit des années lumière de remise en cause du droit du travail. A se demander comment c’est possible de signer ça ?".

9°) Le droit du licenciement collectif recule.
Selon l'article 20 de l'accord, dorénavant, un accord collectif signé par une ou plusieurs organisations ayant recueilli au moins 50% des suffrages exprimés au 1er tour des précédentes élections professionnelles (titulaires) pourra fixer des procédures applicables à un licenciement collectif pour motif économique de 10 salariés et plus sur une même période de 30 jours dans une entreprise d’au moins 50 salariés, en ce qui concerne, en particulier, le nombre et le calendrier des réunions avec les IRP, la liste des documents à produire, les conditions et délais de recours à l’expert, l’ordre des licenciements, et le contenu du plan de sauvegarde de l’emploi.
De plus, alors que la loi prévoit que, dans l’ordre des critères de licenciement, l’ancienneté et la situation sociale arrivent, de façon protectrice, en premier, dorénavant, l'accord prévoit dans son article 23 que " l’employeur est fondé, pour fixer l’ordre des licenciements, à privilégier la compétence professionnelle".
L’ensemble des délais fixés par l’accord sont des délais préfixes, non susceptibles de suspension ou de dépassement.

10°) Mettre à terre la procédure du travail
Selon l'article 25 de l'accord, les plans sociaux patronaux pourront être « sécurisés » par une « homologation administrative », et instaure le plafonnement des dommages et intérêt aux prud’hommes selon l’ancienneté
L'article 26 prévoit un abaissement de la durée de la prescription pour réclamer les heures supplémentaires (de 5ans actuellement à 36 mois).
Toujours selon cet article, aucune action ayant pour objet une réclamation portant sur l’exécution ou la rupture du contrat de travail ne peut être engagée devant la juridiction compétente au-delà d’un délai de 24 mois, contre 5 ans actuellement !

Cet accord n'est pas le plus important depuis trente ans, mais le plus réactionnaire depuis trente ans. Le Parlement doit jouer tout son rôle : appelons les députés à ne pas s’engager dans la voie de ratification d’un pareil accord !

Publié dans Parti de gauche

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article